dimanche 15 juin 2014

UN SOUVENIR DU ZAÏRE

(D'après les mémoires de Jean-Baptiste Manicacci)

Une curieuse aventure au Zaïre par Jean Manicacci.
C'est celle qui m'arriva en 1928!...
Je rentrais en congé après un séjour 
colonial au Tchad.
J'avais redescendu le Congo-aujourd'hui 
le Zaïre-sur un bateau à roues.
Je retrouvais mes camarades de la popote la plus joyeuse de Brazzaville-
et aussi un ami Corse qui comme moi
rejoignait l'île natale.Nous fîmes équipe!
Le jour du départ le maire nous invita tous les deux à déjeuner.
Là nous faisons la connaissance d'un commerçant Belge assez âgé,
respectable sympathique et d'humeur 
gaie.
Le soir, nous traversions le "Stanley pool", large disait-on de plus de 40kms,
pour aller à Leopoldville, à présent Kinshasa.
Pour fêter notre départ nous avions invité
les copains parmi lesquels un jeune magistrat et le chef de cabinet civil du gouverneur.
Mon ami Corse étant l'aîné, je fus chargé
de régler tout les frais de la soirée car nous prenions le train de Matadi vers 3 heures du matin.
Nous étions à l'apéritif dans la grande salle de l'hôtel ABC(c'était son nom)
lorsque arriva le monsieur assez âgé rencontré au déjeuner.
Je l'invitais à boire avec nous.Comme
l'heure avançait nous decidâmes d'aller
dîner.Or le monsieur âgé nous suivit.
Que faire? En langue Corse, j'interrogeais
mon compatriote...
Je priais l'intendant du restaurant d'ajouter un couvert.
L'ambiance était toujours et quand même à la "rigolade".
J'étais cependant inquiet ayant peu 
d'économies je craignais de manquer
d'argent.
Bah!..Notre jeunesse ne nous inclinait
guère à la morosité. Mais voilà que dès
l'entrée notre convive inattendu héla le
maître d'hôtel:"Ce vin ne vaut rien, dit il,
changer le et apportez un Bordeaux de
millésime plus ancien...".Du regard, je 
consultais mon ami Corse. Mon angoisse
l'amusait.J'avais commandé pour faire
le dîner en beauté un Champagne de
qualité médiocre à portée de mes ressources. Le breuvage fut repoussé
avec dégoût par notre invité de la dernière heure qui exigea un Champagne 
de grande marque que je supposais
beaucoup plus cher...
J'ai dit que notre train était à trois heures
du matin.Je m'enfuis donc régler la note;
vous devinez avec quelle anxiété.
Or le monsieur assez âgé me suivait.
"Où allez vous?" Me demanda-t'il!
"Au bureau de l'hôtel pour payer",lui 
répondis je."Je viens avec vous!" "si vous
voulez". Face à l'intendant il pris la parole
et fit valoir que la réception de ses amis
à Brazzaville était à mettre à son compte... Je bafouillais de rapides excuses, de très sincères et amicaux remerciements, non sans demander à
l'intendant si je ne lui devais vraiment rien... Sa réponse fut négative.
Du coup, mon cœur se dilate d'allégresse!
De retour dans la grande ville où les 
copains dégustaient le café et les liqueurs, j'adressais à notre généreux 
bienfaiteur des remerciements émus que
tous partagèrent.
Notre grand ami-Il l'était devenu,vous pensez bien!- nous proposa alors de faire
la tournée des grands ducs en attendant
le train à Leopoldville-Il se vantait d'en
connaître toutes les meilleures boîtes.
Nous acceptâmes d'un cœur allégé.
Je ne proposais, cette fois de payer à mon tours puisque j'avais économisé 
l'argent du fameux et coûteux dîner.
Mais l'homme âgé ne l'admit pas.
Il régla partout sans que je puisse l'en
empêcher.
Quelle nuit!! Me répétais-je...Puis il nous
emmena chez lui, offrant à l'un un pyjama
neuf, à l'autre une belle cravate...Pour ma part je me contentais de quelques
livres pour la longue traversée, choisis
parmi ceux de la bibliothèque du bon
vivant.
Enfin, nous nous separâmes laissant chez lui notre Amphitryon.
Les copains nous accompagnaient au train...et nous dîmes adieu au Zaïre.

Bien des années plus tard.

Faisant une cure à Vichy, dans le tambour d'un grand café je retrouvais l'homme encore plus âgé qui jadis nous
avait tous gâté...,
"Pourquoi me fuyez-vous me dit-il?"
"Voyez-vous, cher monsieur, pardonnez à
la jeunesse impécunieuse mais j'ai honte
quand je vous vois et je me repent de vous avoir laissé payer la note lors de notre soirée à l'hôtel de Kinshasa...,"
"Oh! Ce n'est que ça! Consolez-vous je 
n'ai pas payé moi non plus, car le lendemain de votre passage j'étais déclaré en faillite totale et cela vous 
l'ignoriez!"


1 commentaires:

  1. Bravo et Merci Bruce pour ce souvenir d'un autre siècle... hérité du père de ton père.
    À quand ton recueil de poésies ???

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